Le chercheur syrien se montre dubitatif sur la volonté du régime de Damas d’appliquer le plan
de paix de Kofi Annan et pèse les chances de la charte signée par les opposants réunis à Istanbul.
PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE PRIER
LE FIGARO. - L’opposition a signé à Istanbul une charte d’unification. Est-ce réellement la fin de ses divisions ?
Salam KAWAKIBI. - Retrouver des objectifs communs et des plans d’action
cohérents me semble une mission plus cruciale que l’unité symbolique de l’opposition,
malheureusement trop exigée
par la diplomatie internationale. Mais
satisfaire tous les acteurs est une mission
impossible dans un pays qui a
connu la désertification politique durant
cinq décennies. La restructuration
du CNS et de ses bureaux me paraît la
priorité. La charte est un premier pas
sur un long chemin.
Les mouvements et les personnalités
de l’intérieur absents à Istanbul ont-ils
eu tort ?
L’absence de la Coordination nationale,
du Courant de la construction de l’État
et d’autres personnes indépendantes
les écarte encore plus du champ de
l’action. Ils auraient pu enrichir la réflexion
et l’action au sein du CNS.
Cependant, il vaudrait mieux les appeler
à mettre en évidence leur stratégie
et leurs objectifs, sans tomber dans les
attaques et la déstabilisation de l’ensemble
de l’opposition. Les règlements
de comptes, les petites phrases et les
accusations ne font que nuire à la cause
nationale.
Les mouvements kurdes étaient, eux
aussi, absents…
Ils ont été associés à toutes les discussions
et il semble que la formulation
finale ne les a pas satisfaits. Les négociations
avec cette composante importante
du tissu social syrien doivent
continuer, en préservant le principe de
l’intégrité du territoire et la souveraineté
nationale. La charte parle explicitement
du respect des droits de l’homme
et des conventions internationales,
sans consacrer un article détaillé lié à la
question kurde. C’est plus que normal dans une charte qui relance l’action politique
au sein de l’opposition.
Une solution diplomatique est-elle
en vue avec l’acceptation par le régime
du plan de Kofi Annan, envoyé spécial
de l’ONU et de la Ligue arabe ?
Même si les bombardements des villes
n’ont pas cessé, il est important de souligner
que cette « acceptation » provient
juste après un « ultimatum » explicite
du président russe, qui qualifie
ce plan de « dernière chance ». Mais accepter
un plan ne veut pas dire l’appliquer.
Les interprétations vont se multiplier
et cela risque de rendre le plan peu
opérationnel. C’est une nouvelle démonstration
de la capacité du pouvoir
syrien de manoeuvrer. Un talent que
l’opposition politique syrienne n’a toujours
pas acquis.
La visite du premier ministre turc
en Iran peut-elle aussi contribuer
à une solution ?
Cette visite est très importante. 85%
des sources d’énergie de la Turquie
provenant de la Russie et de l’Iran, les
Turcs pourront jouer un rôle politique
important dans le rapprochement des
visions régionales et internationales sur
une solution politique pour la Syrie. Le
régime syrien régnait par la peur. Elle a
disparu en Syrie, où le peuple ne craint
plus le pouvoir. Mais la peur de l’instabilité,
du radicalisme, de l’embrasement
persiste du côté de la communauté
internationale, et les Syriens n’y
sont pour rien.