Révoltes arabes

Texte publié dans la revue politique et parlementaire.

En quelques semaines, des leaders que la veille encore on pouvait croire inamovibles ont brutalement disparu de la scène politique au grand soulagement de leur peuple. Beaucoup ont alors espéré que cette vague de fond allait se propager dans tout le monde arabe avec des résultats similaires. Que le désormais fameux « dégage ! » allait être opérationnel du Maghreb au Machrek. Il a fallu bien vite se rendre à l’évidence. Si partout on a vu surgir ce même élan populaire, il ne pouvait pas avoir partout la même force ni le même ancrage. D’où aujourd’hui des situations très contrastées entre, par exemple, le Maroc où le roi vient de prononcer un discours annonçant une grande réforme constitutionnelle et la Syrie où Bachar el Assad paraît bien décidé à réprimer par la violence la plus extrême tous ceux qui osent le défier.

En s’efforçant de ne pas perdre de vue le fait que chaque Etat arabe a ses propres spécificités et que donc rien ne peut être identique de l’un à l’autre, on peut esquisser quelques-uns des traits majeurs de ce vaste mouvement populaire même si, à l’échelle de l’histoire du monde arabe, il est loin d’être inédit.

Le mépris et la peur.

Si on devait retenir un terme caractérisant les rapports Etat-société dans nombre de ces pays, le terme arabe « hogra » serait sans doute un des plus pertinents. On peut le traduire par mépris et cela renvoie à l’arbitraire des décisions officielles, aux abus d’autorité à tous les niveaux, et, plus largement, au fait que les agents de l’Etat n’ont aucun compte à rendre et qu’ils peuvent violer la loi et les droits des « citoyens » en toute impunité. Et au-delà, c’est la « toute puissance des puissants » cramponnés à leurs privilèges et à leur système clientéliste et clanique. Ce sont des formes de gestion patrimoniale du pouvoir où l’appartenance à la « famille » du chef de l’Etat donne tous les droits tandis que le citoyen ordinaire n’en a presque aucun.

La force de ces pouvoirs autoritaires, soutenue par un appareil de répression très efficace où l’armée joue un rôle souvent déterminant, tient à leur capacité à agréger autour d’eux des groupes sociaux dominants, à intégrer telle ou telle communauté et à s’assurer d’alliés solides sur le plan régional et international. Tout cela constitue le socle et l’armature de ces régimes dont beaucoup ont su s’inscrire dans la longue durée autour d’une personnalité emblématique qui a incarné le pouvoir pendant plus d’une génération : Ben Ali pendant 24 ans, Moubarak pendant 30 ans, Kadhafi pendant 40 ans et le roi Hussein (mort en 1999) presque 50…. Dans certaines configurations, l’Etat dispose de ressources indépendantes de la société par la confiscation de vastes secteurs de l’économie répartis entre les principaux acteurs du système et par la redistribution sélective de la rente (avec notamment les revenus du gaz et du pétrole). Ce détournement des richesses du pays permet de perpétrer un système de clientélisme tout entier nourri d’une corruption systématique où, en dernière instance, tout peut s’acheter. Si toutes ces pratiques étaient connues dans le pays comme sur le plan international, jamais elles n’ont été vraiment dénoncées et encore moins remises en cause. Chacun devait s’y plier de peur de perdre ici un marché, ailleurs une opportunité, ailleurs encore un soutien du pouvoir…. Cela touche les individus mais aussi les entreprises y compris les plus grandes comme les multinationales qui sont prêtes à tout pour conserver des positions dominantes ou en acquérir de nouvelles. Cela vaut aussi pour les Etats et notamment les Etats européens qui ont toujours appuyé ces pouvoirs autoritaires depuis les indépendances, c’est-à-dire depuis le jour où ces régimes les ont confisquées.

Quant à la répression, elle ne s’exerce pas au quotidien car la peur suffit à paralyser bien des initiatives critiques. Chacun sait que si la ligne rouge est franchie, la mécanique de l’Etat sera implacable : arrestation, torture, assassinat. Un triptyque modulable selon les périodes, les conjonctures et l’ampleur de la protestation. En période ordinaire, l’arrestation voire même sa menace suffit. Elle suffit car ses conséquences sont incalculables sur le destin d’une personne. Être arrêté, c’est tomber dans le gouffre sans fin de l’arbitraire le plus total. Une arrestation est synonyme, presque chaque fois et presque partout, d’humiliation et, dans bien des cas, de souffrances physiques allant du passage à tabac à la torture dans les commissariats de Tunis, du Caire, d’Alger ou de Damas… Il faut rappeler ici que les adolescents qui à Deraa en Syrie (en mars 2011) ont dessiné sur les murs de la ville des graffitis hostiles au régime ont été torturés aussitôt après leur arrestation. On peut aussi rappeler, à d’autres époques pas si éloignées, le bagne de Tazmamart au Maroc où les prisonniers étaient détenus dans des conditions effroyables, la prison de Palmyre en Syrie où l’on torturait systématiquement les détenus jusqu’au jour où ils furent tous exécutés par les troupes de Rifat Al-Assad (en 1980), les prisons tunisiennes ou algériennes où des années durant on a entassé des islamistes, les centres de détention irakiens du temps de Saddam Hussein d’où bien peu revenaient vivants……

Dans de telles conditions l’opposition était réduite au silence avant même d’avoir existé. Toute forme de résistance paraissait non seulement impossible mais, et de manière plus perverse, quasi impensable. C’est d’ailleurs pourquoi il y eut un certain nombre de ralliements d’opposants qui ont finalement préféré trouver une forme de compromis individuel avec le pouvoir plutôt que de continuer à le combattre. Cela permet, à un moment de sa vie, d’échapper enfin à la pénible alternative que le rapport de forces imposait : la prison ou l’exil.

Du mal-être à la dignité retrouvée

Autre dimension capitale qu’on retrouve presque partout : le mal-être des jeunes. Avant même d’arriver au seuil de la vie active, ils sont persuadés n’avoir aucune chance de s’intégrer dans une société conçue par et pour les privilégiés où règnent les passe-droits à tous les niveaux et l’impunité des puissants. Une anecdote : au sortir d’un séminaire de Master 2 dans une université marocaine, les étudiants me font part de leurs appréhensions face à ce qui les attend après et malgré leur diplômes. Ils estimaient que sans relations, ils ne pourraient pas trouver de travail…Or ces étudiants avaient dû franchir des épreuves très sélectives et ne représentaient pas 1% des effectifs globaux des licences et des Masters ; que dire alors de l’inquiétude des 99% restants….

Ces ressentis individuels ne font qu’exprimer une réalité d’autant plus prégnante que malgré la décélération de la croissance démographique qui s’est amorcée depuis 2000 dans le monde arabe, le nombre de jeunes voulant entrer sur le marché du travail s’est considérablement accru. Au début des années 2000, les démographes avaient prévu que les tensions seraient particulièrement fortes à la fin de la première décennie avant de se résorber un peu après 2010… Ils ne pouvaient pas savoir que ces pressions démographiques seraient encore beaucoup plus fortes en raison de la crise économique de 2008. Il est probable que l’on tient ici dans cette « collision » entre un fait démographique et un choc économique, une part de l’explication du déclenchement de ces révoltes. En tout cas, il y a eu ces dernières années dans tous ces pays une montée inexorable du nombre de jeunes en quête d’emploi y compris parmi ceux qui avaient une formation et un diplôme de l’enseignement supérieur.

C’est d’ailleurs par la jeunesse que tout a commencé. L’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi devant le siège du gouverneur à Sidi Bouzid, est comme l’aboutissement tragique du destin de beaucoup de jeunes condamnés par avance à l’exclusion sociale et au mépris des autorités. A un moment, l’exaspération est à son comble et on n’a plus rien à perdre. Ce mal-être de la jeunesse signifie que ceux qui ont vocation à incarner l’avenir n’y croient plus. C’est donc un révélateur décisif de l’état d’une société et de son potentiel de développement. Si ses forces vives sont atteintes par le syndrome de la désespérance, cela inaugure mal de l’avenir même de la société tout entière.

Cela ne signifie pas pour autant que la jeunesse soit le seul acteur de ces révoltes. Bien au contraire, on y trouve l’implication de segments de population très différents. Chacun ayant ses raisons de vouloir en finir avec le régime en place. En Tunisie par exemple, il y avait les jeunes chômeurs et les diplômés sans emploi, mais aussi les ouvriers des usines touchées par la crise, des entrepreneurs qui n’en pouvaient plus d’être systématiquement rackettés par la « famille » et bien d’autres.

Ces convergences ont pu s’opérer parce que quelque chose de fondamental s’est produit au-delà des revendications d’ordre politique et économique : le dépassement collectif de la peur.

Pendant de très longues années, chacun est resté inhibé par la peur parce qu’il se sentait seul face à un pouvoir dont on savait qu’il était capable de tout et d’abord d’écraser celui qui oserait s’avancer contre lui. Cette politique délibérée d’émiettement social qu’Hannah Arendt avait décrite dans ses analyses du phénomène totalitaire est aussi celle de tout gouvernement autoritaire. Toute relation entre personnes physiques susceptible de coaguler un groupe, de faire sortir l’individu de son isolement, de participer à la formation d’un collectif est interdit et réprimé. Pas question de pouvoir former librement une association, un parti politique ou une organisation non gouvernementale ; pas question non plus de tolérer un rassemblement dans la rue au-delà de cinq personnes. C’est notamment l’objet de toutes les lois d’urgence et des états d’exception en vigueur dans bien des pays arabes depuis parfois des décennies…

Désormais, cela ne fonctionne plus. Les individus ont osé dépasser leur peur en découvrant ou en retrouvant le sens du collectif qui vient défier toutes les formes de répression. Et ce fut fait fondamentalement avec une éthique de non-violence au moins dans les deux pays qui, à ce jour, semblent avoir réussi leur révolte : la Tunisie et l’Egypte. Si cet affranchissement de la peur ouvre de nouvelles perspectives politiques absolument inédites, il est aussi, sur le plan psychologique et personnel, un formidable moyen de retrouver sa dignité perdue. Comme l’ont dit des manifestants tunisiens : « nous sommes devenus des citoyens ». La peur était une aliénation, son dépassement apparaît donc comme une libération qui permet des retrouvailles avec soi-même. On mesure mal, en France ou en Europe, l’importance de cette dimension car notre dignité est comme consubstantielle de notre citoyenneté. Elle nous est donnée. Et les institutions judiciaires ou les autorités administratives indépendantes d’un Etat de droit sont là pour nous permettre de la retrouver ou de la restaurer si, dans telle ou telle circonstance, il pouvait arriver qu’elle soit bafouée. Dans ces régimes autoritaires, au contraire, la notion même de citoyenneté n’a aucune portée. Les autorités de l’Etat se dressent contre les hommes et les femmes de la société surtout s’ils se permettent de revendiquer des droits. Cela signifie que le temps de l’humiliation est terminé quel que soit le destin de ces mouvements. Il n’y a plus de retour en arrière possible même si des contre-révolutions peuvent survenir ici ou là. Même dans de telles hypothèses, ce qui vient d’être semé ne sera sans doute pas perdu.

Dans une certaine mesure, ce processus inédit porte en lui une forme de refondation. Il s’agit d’abord de tenter de se débarrasser d’un régime oppressif mais encore plus fondamentalement de devenir ce qu’on est et qu’on ne pouvait pas exprimer. D’une certaine manière, ces sociétés se sont révélées à elles-mêmes et aux autres à travers le monde. Tous les clichés bien ancrés en Occident depuis des décennies volent en éclats. On pensait que si ces sociétés n’avaient pas avancé vers la démocratie, la faute en incombait à l’Islam qui était, par essence, incompatible avec un régime fondé sur la volonté populaire. On découvre aujourd’hui que les obstacles à la démocratie ne viennent pas d’un tréfonds culturaliste essentialisé mais plus prosaïquement d’un appareil d’Etat cynique et brutal qui en Syrie, en Libye, au Barhein ou au Yémen envoie son armée liquider par la force les opposants. On voulait croire que les régimes en place étaient un rempart contre les islamistes maintes fois diabolisés, on s’aperçoit maintenant que s’ils demeurent un courant politique important, ils ne sont nulle part à l’origine de ces soulèvements populaires. Et que sans doute ces formations politiques sont elles aussi contraintes de s’adapter aux nouvelles configurations démocratiques que cherchent ces sociétés. On s’inquiétait d’une hostilité récurrente des Arabes (encore une fois essentialisés) à l’égard d’Israël et on commence à comprendre que les revendications des révoltés sont à mille lieux du conflit israélo-palestinien, même si les sympathies et les solidarités vont évidemment aux Palestiniens. On croyait que les Droits de l’Homme n’avaient pas d’échos dans ces sociétés et que, sans doute, ils n’étaient pas « universalisables ». Et on constate au contraire que ces révoltes arabes se sont emparées partout de ces valeurs et du coup la notion d’universalité des droits fondamentaux revient en force… Bref, on découvre des hommes et des femmes, des jeunes et des moins jeunes, qui à leur manière, et dans le respect de leur propre culture, veulent vivre enfin dans la dignité et dans la liberté.

Entre incertitudes et inquiétudes

A voir où en sont aujourd’hui les rapports de forces dans les différents pays concernés, on comprend vite que le chemin vers la démocratie risque d’être long et semé d’embûches. Rien, nulle part, n’est gagné.

Certaines transitions politiques amorcées peuvent se transformer en des transitions démocratiques surtout quand des référendums et des élections sont prévues dans les semaines à venir comme en Tunisie et en Egypte. Dans ces deux pays une réflexion constitutionnelle est en cours et déjà d’importantes mesures ont été prises tandis que les chefs d’Etats qui ont été chassés du pouvoir vont sans doute être prochainement jugés, même si c’est par contumace pour l’ex-leader tunisien. Dans les deux cas mais dans des conditions très différentes, l’armée a joué un rôle d’apaisement et a contribué de manière décisive au changement en cours. En Egypte, pour le moment, l’armée est restée au pouvoir ; c’est elle qui arbitre en dernière instance et accompagne les choix qui sont faits. La grande question est de savoir comment elle va se comporter lorsque les élections auront eu lieu. Il est peu probable qu’elle disparaisse soudain de la scène politique d’autant qu’elle contrôle de très importants intérêts économiques et qu’elle se sent garante de certains choix de politique étrangère en accord avec les Etats-Unis qui chaque année apportent une aide considérable à l’Egypte. En Tunisie, bien que l’armée ne pèse guère et n’était pas au pouvoir, ce sont des officiers généraux qui ont précipité le départ de Ben Ali. La transition en Tunisie est donc à la fois plus claire mais aussi plus risquée car beaucoup de ceux qui n’apprécient pas cette révolution ont encore bien des atouts à leur disposition.

Un deuxième type de situations est liée à la force de la légitimité traditionnelle des monarchies, en particulier au Maroc avec les Alaouites et en Jordanie avec les Hashémites. Les deux rois qui sont arrivés au même moment (en 1999) au pouvoir assez jeunes ne sont pas contestés par leurs peuples, bien au contraire. Ils incarnent aujourd’hui un pouvoir fort qui peut faire beaucoup pour qu’une bonne partie des réformes exigées soient mises en oeuvre. Dans les deux cas, on peut assister à une évolution du régime vers un système de monarchie constitutionnelle réclamée depuis des années, en particulier au Maroc. Ces réformes ont été annoncées par les deux rois. Reste à savoir comment elle vont être reçues puis mises en oeuvre. En tout cas, l’heure n’est pas à la révolution, mais bien aux réformes en profondeur.

La troisième situation est celle où les rapports de force jouent à l’état pur. En Libye, en Syrie, au Barhein et au Yémen, l’armée est entrée en scène et attaque le peuple contestataire avec des armes lourdes, des chars et des hélicoptères. Les masques sont tombés. Les dirigeants de ces régimes n’hésitent plus à apparaître comme ils sont : c’est-à-dire prêts à tout pour rester au pouvoir. Seul compte la survie du régime dans le mépris absolu des manifestants qui sont désignés comme des terroristes à la solde de l’étranger. Ils sont donc engagés dans une fuite en avant dont nul ne peut prévoir l’issue même si Bachar al Assad et Mouammar Khadhafi ont perdu toute légitimité aux yeux d’une partie de la communauté internationale. Mais d’une partie seulement même si le chef libyen a fait l’objet d’une enquête de la Cour pénale internationale saisie par le Conseil de sécurité statuant à l’unanimité.

La quatrième est celle où prévaut le statu quo qui cache, en fait, des configurations très différentes. Dans les monarchies du Golfe et en Arabie saoudite, le système est tel qu’on imagine mal que des mouvements de ce type puissent se produire même si bien des problèmes se posent dans le royaume saoudien. Au Liban, la situation est très particulière : il ne peut y avoir de mobilisation contre l’Etat puisque – et c’est bien le drame de ce pays – il n’y a pas d’Etat mais une polyarchie ! Concrètement et depuis des années, cela se traduit par d’interminables crises ministérielles ; la dernière qui a commencé en janvier 2011 a duré 5 mois…. Reste l’Algérie qui, il y a plus de vingt ans, a connu un mouvement de cette nature. Après des semaines de graves violences où l’armée avait fait des centaines de morts parmi les manifestants, une période inédite s’était ouverte en 1989-1990 avec une nouvelle constitution et des élections libres. On connait la suite : le FIS (Front islamique du salut) est apparu comme le grand vainqueur dès le premier tour. L’armée décida alors d’interrompre le processus électoral et reprit le pouvoir qu’elle n’avait jamais vraiment lâché. Il s’en est suivi plus de dix ans d’une guerre sans nom dont l’Algérie d’aujourd’hui n’est toujours pas remise. Le système est toujours en place. Et les quelques manifestants qui sont apparus ces dernières semaines, complètement encerclés par les forces de l’ordre, en étaient réduits à inscrire sur les murs : « dégage système ».

Au-delà de ces rapports de forces et de l’évolution différenciée de ces situations contrastées, il faut revenir à l’économie. Les paramètres économiques sont essentiels et on peut faire l’hypothèse qu’ils risquent de jouer contre ces révoltes. La crise économique a certainement été un facteur décisif dans le déclenchement de ces mouvements en contribuant à rendre insupportables des situations déjà très difficiles surtout dans les économies qui avaient entamé leurs ouvertures à la mondialisation. Or, comme dans une implacable dialectique, ces révoltes ont désorganisé les économies et ont fragilisé leurs liens avec l’extérieur. Des secteurs entiers sont donc touchés et cela ne peut qu’aggraver les profonds malaises que tant de gens ressentaient. Pour ne prendre qu’un exemple qui pèse très lourd en Egypte comme en Tunisie : le tourisme. Selon les derniers chiffres, on en est à une baisse des réservations de plus des deux tiers par rapport à l’année dernière. Cela signifie des fermetures d’hôtels, de restaurants et des difficultés accrues pour toute la filière et ses sous-traitants avec une raréfaction des emplois et donc une aggravation du chômage dans des pays qui déjà en souffraient beaucoup…. Dans les pays dont l’économie dépend essentiellement de la rente pétrolière, les problèmes se posent en d’autres termes. Il est très probable que cette rente, au moins dans un premier temps, sera utilisée pour désamorcer les contestations. Et déjà on a vu un peu partout des augmentations de salaires, de primes ou de prestations sociales, notamment en Algérie. Dans le premier cas, les nouveaux pouvoirs risquent d’être déstabilisés, dans le second, les « anciens » peuvent puiser là les moyens de se maintenir….

Ces contradictions doivent être prises très au sérieux par les Européens et, plus largement, par la communauté internationale. Si on veut que ces mouvements puissent se stabiliser dans d’autres configurations devenues démocratiques, il est impératif de repenser nos relations avec ces pays et d’abord en les soutenant sur le plan économique et financier.

Jean-Paul Chagnollaud, professeur des universités et Directeur de l’iReMMO
1er juillet 2011