Quel est le bilan du Programme MEDA ?

Fin 2006, la Cour des comptes européenne avait publié un rapport spécial [3] , dont on mesure chaque jour l’importance stratégique mais aussi malheureusement, son impuissance opérationnelle. Douze ans après la Déclaration de Barcelone, qui lança le processus, le ciel semble bien gris sur la capitale catalane, devenue malgré tout le lieu symbolique de cette coopération établie entre l’UE et dix pays partenaires méditerranéens (PPM) [4].

Entre une géopolitique turbulente et des aléas communautaires récurrents, le PEM présente un bilan négatif si l’on se réfère aux objectifs ambitieux fixés en 1995. L’une des principales défaillances réside dans le caractère trop modeste et peu efficace du Programme MEDA, pourtant conçu pour tenter de réduire la fracture économique Nord-Sud en Méditerranée. En consacrant des aides financières et une assistance technique aux PPM, cet instrument financier traite simultanément des coopérations bilatérales et régionales et couvre les trois volets de coopération du Partenariat (politique, économique, socioculturel). Il a connu deux phases de programmation : MEDA I de 1995 à 1999 (enveloppe globale de 3,435 milliards €) et MEDA II pour la période 2000-2006 (enveloppe globale de 5,35 milliards €). Or en dix ans, l’écart de niveau de vie entre les deux rives de la Méditerranée n’a pas diminué : le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat au sein de l’UE est toujours cinq fois supérieur à celui de la zone sud-méditerranéenne.

Le bilan du Programme MEDA doit être évalué à partir de données concernant les 8 PPM arabes. Ces derniers, à la différence des Etats turc et hébreu, sont en effet pleinement éligibles aux aides bilatérales et régionales de MEDA. De 1995 à 2005, environ 6 888 millions € ont été engagés auprès de ces 8 Etats. Mais 4 043 millions € ont réellement été payés faute d’efficacité dans les procédures de décaissement. Cela signifie que seuls 59% de cette aide communautaire a été perçue au Sud de la Méditerranée. Ce différentiel entre l’engagement et le paiement s’est néanmoins amélioré au cours des dernières années où le ratio est parvenu à dépasser les 100% en 2004 et 2005. Il faut dire que lors de la première programmation de MEDA, ce ratio se situa à 28% (contre 83% de moyenne pour la seconde période). C’est dans les Territoires palestiniens, en Jordanie et en Tunisie que le décaissement de l’aide MEDA s’est opéré avec le plus de succès, à l’inverse de la Syrie et de l’Algérie qui n’ont absorbé que 30% des aides engagées à leur attention.

Le Maroc a été le premier pays récipiendaire de MEDA, avec près de 25% des fonds payés (soit 783 millions €). Suivent ensuite l’Egypte avec 20% (650 millions €), la Tunisie avec 18% (568 millions €) et les Territoires palestiniens avec 15% (480 millions €). A l’opposé, la Syrie avec 2% (64 millions €), le Liban et l’Algérie avec 4% (respectivement 132 et 144 millions €) sont les Etats arabes méditerranéens les moins touchés par MEDA. Si l’on mesure l’impact du Programme auprès des populations [5], sachant que les 8 PPM arabes comptent 180,5 millions d’habitants, on obtient une dépense communautaire moyenne de 22,4 € par personne. Mais là encore, de profonds écarts s’observent, puisqu’un palestinien aura reçu 130 € en dix ans, un jordanien 69€, un tunisien 56€, un libanais 37€, un marocain 25€, un égyptien 9€, un algérien 4€ et un syrien 3€.

Faute de hiérarchisation dans les priorités, les actions du Programme MEDA se sont dirigées vers une multitude de thématiques. Cette dispersion de l’aide a réduit la portée effective des projets. Et la faible efficacité du Programme MEDA, liée à la fois aux lourdeurs bureaucratiques bruxelloises et à la faible disposition administrative des PPM, a largement contribué à la mauvaise presse du PEM.

Même si certains projets demeurent actifs, le temps que les échéances financières des programmes instaurées se terminent, l’outil financier MEDA n’existe plus techniquement depuis le 31 décembre 2006. En effet, il a été remplacé par l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) conformément à la mise en place de la nouvelle Politique européenne de voisinage (PEV). Cet instrument financier a été doté d’une enveloppe budgétaire de 11,2 milliards € pour couvrir la période 207-2013 et une zone géographique dépassant largement le simple périmètre du Bassin méditerranéen, puisque la PEV concerne au total 16 Etats situés sur la proche périphérie de l’Europe.

La coopération euro-méditerranéenne : deux enceintes politiques

Le Partenariat euro-méditerranéen : (PEM), lancé en 1995, regroupe les 27 Etats membres de l’UE et 10 pays partenaires (Algérie, Autorité palestinienne, Maroc, Liban, Syrie, Tunisie, Turquie, Algérie, Jordanie et Israël), soit un ensemble politique composé de 37 pays en 2007, auquel il convient d’ajouter également la Commission européenne. La Libye n’en est pas membre mais occupe occasionnellement une place d’observateur. L’Albanie et la Maurintanie devraient intégrer le PEM dans le courant de l’année 2008.

La Politique européenne de voisinage (PEV), lancée en 2004 et officiellement active depuis 2007, concerne 16 Etats situés aux frontières politiques de l’UE : Algérie, Autorité palestinienne, Egypte, Jordanie, Israël, Liban, Libye, Maroc, Syrie et Tunisie (zone Méditerranée), Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie (zone Caucase), Biélorussie, Moldavie et Ukraine (zone Europe de l’Est). La Turquie ne se situe pas dans le champ de la PEV, tandis que la Russie en fait indirectement partie puisqu’elle émargera sur les fonds financiers de cette politique pour les actions menées dans le cadre de son partenariat stratégique avec l’UE

[1Cour des comptes européenne, Rapport spécial n°05/2006 sur le Programme MEDA. Pour consulter le Rapport http://www.eca.europa.eu/audit_reports/special_reports/docs/2006/rs05_06fr.pdf] concernant le Programme MEDA, l’instrument financier de l’Union européenne (UE) assurant la mise en oeuvre du Partenariat euro-méditerranéen (PEM). Les données y figurant permettent de tracer un bilan statistique de ce Programme. Inutile de revenir ici sur l’impression d’ensemble qui se dégage à propos du PEM [[Pour une analyse détaillée du Partenariat euro-méditerranéen et de l’évolution du contexte géopolitique dans la région, lire Sébastien Abis, « 2007 : année zéro pour la Méditerranée ? », in Futuribles, n°321, juillet-août 2006.

[2Les dix PPM sont l’Algérie, l’Egypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie, la Tunisie, la Turquie et l’Autorité Palestinienne

[3Cour des comptes européenne, Rapport spécial n°05/2006 sur le Programme MEDA. Pour consulter le Rapport http://www.eca.europa.eu/audit_reports/special_reports/docs/2006/rs05_06fr.pdf] concernant le Programme MEDA, l’instrument financier de l’Union européenne (UE) assurant la mise en oeuvre du Partenariat euro-méditerranéen (PEM). Les données y figurant permettent de tracer un bilan statistique de ce Programme. Inutile de revenir ici sur l’impression d’ensemble qui se dégage à propos du PEM [[Pour une analyse détaillée du Partenariat euro-méditerranéen et de l’évolution du contexte géopolitique dans la région, lire Sébastien Abis, « 2007 : année zéro pour la Méditerranée ? », in Futuribles, n°321, juillet-août 2006.

[4Les dix PPM sont l’Algérie, l’Egypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie, la Tunisie, la Turquie et l’Autorité Palestinienne

[5Sur la base des données démographiques de l’année 2005, à partir des chiffres fournies par la division population des Nations- Unies, in « World Population prospects, the 2004 revision ».

Sébastien Abis, Analyste géopolitique, Membre du Comité de rédaction de Confluences Méditerranée
10 décembre 2007