Égypte : acteur atypique du monde arabe ?

“L’Égypte a joué et joue toujours un rôle historique dans la question israélo-palestinienne. L’Égypte a joué un rôle dans la guerre en 1948, elle a soutenu la création de l’Organisation de la Libération de la Palestine, et elle a été un acteur fondamental dans la relation entre l’OLP et les Américains, puis entre l’OLP, l’Autorité palestinienne en 1994 et Israël.”

“Juste après la crise de Suez, entre 1957 et 1964 au moment du sommet de la ligue des pays arabes à Alexandrie puis au Caire, il y a une sorte de marginalisation de la question palestinienne justement au profit des questions égyptiennes. Ce profond intérêt reprend au moment de la guerre de 1967, c’est le moment où l’on va reparler de la Palestine mais sous l’angle d’une récupération des territoires. Il faut un peu effacer les séquelles de la guerre et donc ce n’est plus la question de la Palestine en termes de libération qui se pose mais plutôt des questions qui concernent la Syrie ou l’Égypte et qui marginalisent à nouveau la question palestinienne.”

“La place de l’Égypte autant dans la région et sur la scène internationale va changer, et cela va lui permettre notamment de créer une alliance avec les États-Unis, et de jouer un rôle indispensable dans le conflit israélo-palestinien. A l’inverse, les Américains ont trouvé un allié dans la région pour pouvoir aussi promouvoir leurs propres intérêts. Saddat n’avait pas une volonté affichée de laisser de côté les Palestiniens, il est allé négocier avec le premier ministre israélien de l’époque Menahem Begin (de 1977 à 1983), les négociations ont été extrêmement difficiles selon les archives que l’on a aujourd’hui. Saddat s’est vite rendu compte que ce n’était pas possible d’obtenir à la fois la récupération du Sinaï et de trouver une solution à la question palestinienne.Il a signé d’abord un accord pour la paix au Moyen-Orient, avec une sorte d’autonomie transitoire pour les Palestiniens. Cela n’a pas abouti, contrairement au traité de paix israélo-égyptien de mars 1979 qui a pu donner lieu à la récupération du Sinaï. C’était sûrement un gain territorial pour l’Égypte mais cela lui a valu une sorte d’exclusion de la ligue arabe.”  

“La vision de Moubarak vis-à-vis de la question des relations israélo-égyptiennes est claire : il n’y a pas de normalisation des relations, ces relations sont diplomatiques et politiques correctes mais sans normalisation.Les Israéliens n’ont pas la même vision, ils pensaient que la normalisation était un socle à la relation entre les Israéliens et les Égyptiens, ce qui n’est pas du tout la vision des Égyptiens. La preuve, Moubarak ne s’est pas rendu en Israël. Un médiateur dans un conflit a bonne réputation à gagner si la médiation aboutit. Quand on regarde l’intervention de l’Égypte sur cette question, celle-ci est en porte-à-faux face aux autres alliés dans la région. L’autorité palestinienne aujourd’hui fonctionne comme un sous-traitant de la sécurité israélienne et avant de parler de la responsabilité de l’Égypte, celle des Israéliens et des Palestiniens restent d’abord à définir. L’Égypte est toujours le seul acteur capable de parler à tout le monde, Moubarak disait être le seul acteur sur le terrain capable de parler à la fois aux Israéliens, aux Palestiniens. L’Égypte parle avec le Hamas.  Le pays essaie de limiter les dégâts plutôt que d’opérer un vrai travail diplomatique pour régler la question palestinienne, car gérer cette question n’est plus à l’ordre du jour aujourd’hui en raison des conflits armés sur le terrain. L’Égypte essaie plutôt de mettre en place des cessez-le-feu, des pourparlers entre les factions, justement parce qu’elle parle avec tout le monde et qu’elle est la seule à pouvoir le faire.”

Dima Alsajdeya, chercheuse à la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France, membre de l’iReMMO

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Les conditions du « rêve irakien »

En 2021, l’Irak en tant qu’État aura 100 ans ! Et pourtant, comme en 1921, il souffre encore de l’incapacité à intégrer ses Kurdes, ses sunnites, ses chiites, ses chrétiens et ses autres communautés dans une « irakicité inclusive ». Depuis la proclamation de la victoire sur l’organisation de l’État islamique à la fin de l’année 2017, est exposé sur le devant de la scène un discours sur la construction d’un « nationalisme irakien » qui pourrait engager le pays dans la fabrication d’une « nation » irakienne et qui prendrait l’« irakicité » comme son unique « référentiel », la « reconnaissance » des différentes communautés comme son « principe régulateur ». Les producteurs de ce discours se trouvent à la fois à l’échelle nationale (à commencer par le Premier ministre – chiite – Adel Abdel Mahdi et le président de la République – kurde – Barham Salih), régionale (l’Iran et la Turquie, notamment) et internationale (États-Unis, Europe…)

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